EXTRAIT DU RAPPORT D'ORIENTATION DU MINISTERE DE LA SOLIDARITE. MAI 1982. Nicole Questiaux.
VI - PROMOUVOIR DES LIEUX D'ACCUEIL INNOVANTS : LES LIEUX DE VIE
A - présentation et problèmes posés par leur développement.
Depuis quelques années, de petits lieux d'accueil pour enfants, pour adolescents ou jeunes adultes, se sont multipliés. Ils ont été désignés quelquefois sous le nom de lieux de vie, lieux d'accueil alternatif, intermédiaires et reçoivent principalement des enfants, adolescents et jeunes adultes ayant des difficultés importantes (inadaptés sociaux, autistes, caractériels, fugueurs, psychotiques) refusant les structures d'accueil ou de traitement classiques ou rejetés de celle-ci.
Il a été constaté que beaucoup de ces enfants ou jeunes qui ne progressaient pas dans les structures classiques ont évolué positivement dans ces lieux (acquisition du langage, goût de vivre, acquisition de techniques professionnelles). Certains de ces lieux ont adopté le terme de lieu de vie et ce n'est pas sans raison.
L'objectif des promoteurs a souvent été de faire partager à l'enfant une vie plus riche que celle que connaissent beaucoup de collectivités classiques (trop organisées sur le modèle scolaire ou hospitalier), notamment par le partage de la vie quotidienne entre accueillants et accueillis.
L'hypothèse qui fonde cet objectif est que l'enfant placé en institution classique a en fait besoin d'un autre "cadre de vie" pour se développer ou seulement pour ne pas régresser, dans la mesure où le placement a presque toujours une composante, sinon traumatisante, au moins perturbante pour l'enfant.
Dans cette situation, l'enfant ou l'adolescent et encore moins le jeune adulte peu malléable ne peuvent se satisfaire d'une institution dans laquelle l'organisation collective oblige l'usager à se mouler dans un cadre, où il ne peut que difficilement avoir une relation durable avec les personnes qui le prennent en charge dès lors que celles-ci assument des fonctions partielles (cuisine, entretien, animation, éducation,...) selon des horaires qui les font se succéder auprès des enfants.
Par opposition à ces modèles, certains établissements eux-mêmes ou des promoteurs indépendants ont souhaité créer des lieux d'accueil dans lesquels l'enfant puisse vivre en permanence avec les mêmes adultes exerçant toutes les tâches éducatives et domestiques d'une vie communautaire et avec lesquels ils partagent la vie quotidienne du lieu d'accueil et de chacun de ses membres, tout en ayant à l'extérieur les activités scolaires, de loisirs ou professionnelles dont ils peuvent avoir besoin.
Certains lieux d'accueil se sont spécialisés dans des objectifs pédagogiques très spécifiques tenant compte notamment de l'origine institutionnelle des enfants ou de leurs troubles propres (Deligny, qui pour les autistes est un précurseur de cette forme d'accueil ou les fermes de SEVER dans l'Aveyron qui pratiquent des accueils de 3 semaines successives pour des psychotiques dans le cadre d'un projet élaboré en concertation avec l'intersecteur de pédopsychiatrie).
D'autres reçoivent des enfants qui ne présentent pas nécessairement des troubles particuliers et qui sont seulement en situation sociale difficile (rupture de vie familiale, fugues).
Certains lieux d'accueil reçoivent uniquement adolescents et jeunes adultes et pratiquent une activité économique ou professionnelle (activités agricoles, forestières, mécanique-auto, artisanales...). Leur insertion sociale est favorisée dans la mesure où les jeunes bénéficient d'un mode de vie plus satisfaisant et partagent avec des adultes attentifs à leur développement une activité professionnelle.
Les expériences de ces lieux d'accueil sont donc variées, et sont largement marquées par chacune des personnalités qui y participent, mais elles ont en commun un certain nombre de caractéristiques.
petits lieux d'accueil favorisant la communication entre les personnes présentes, adultes et mineurs,
partage de la vie quotidienne,
démédicalisation de l'aide apportée,
recherche d'un meilleur équilibre entre les besoins de liberté et d'autonomie, et le besoin de sécurité matérielle et affective,
recherche d'un mode de vie stimulant (contact avec les activités économiques...).
L'intérêt de ces formules est donc maintenant largement établi. En outre, elles constituent un pôle d'incitation à l'évolution pour les établissements classiques existants.
Le succès des lieux d'accueils dits "de vie" et le fait qu'ils reçoivent des enfants en rupture d'institutions classiques, ne sont-ils pas les signes d'un certain échec de ces institutions et de leur nécessité d'évoluer ?
Faut-il les cantonner dans l'accueil des enfants ayant des troubles graves, pourquoi ne recevraient-ils pas des enfants n'ayant pas de troubles particuliers, mais se trouvant en situation sociale difficile ?
Si l'intérêt qu'ils représentent ne fait plus de doute, l'ensemble des problèmes les concernant ne sont pas pour autant réglés, notamment en ce qui concerne leur statut, l'évaluation de leur action, et leur financement.
La difficulté est de donner à ces questions des réponses qui n'enferment pas ces lieux d'accueil dans un modèle normatif, qui favorisent la diversité et la richesse des multiples initiatives en sauvegardant la qualité des actions entreprises.
La circulaire du 23 janvier 1981, à cet égard, a été suffisamment souple, mais insuffisamment précise pour être très incitative.
Par ailleurs, il faut tenir compte de l'origine institutionnelle des enfants qui peuvent soit relever de l'aide sociale à l'enfance, soit de la pédopsychiatrie, soit de l'éducation spéciale, et de tenir compte également de l'origine géographique des enfants.
Les lieux de vie sont principalement implantés dans le Sud de la France et reçoivent beaucoup d'enfants de la région parisienne.
Il faut veiller à ce que leur implantation soit mieux répartie sur le territoire. Normalement si l'intérêt qu'ils représentent est pris en compte dans les différents départements, rien ne devrait s'opposer à ce qu'ils s'implantent là où les besoins existent : en milieu urbain comme en milieu rural et au Nord comme su Sud.
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1 - statut et financement
La circulaire du 23 janvier 1981 sur la politique d'aide sociale à l'enfance a prévu pour les lieux de vie, soit le statut d'assistante maternelle, soit celui d'établissement avec la possibilité d'un financement par un budget global, or, le budget global au regard de la réglementation n'en est qu'au stade de l'expérimentation.
Outre le problème du statut qui détermine le mode de financement (prix de journée, prix de pension, budget global) une des difficultés principales des lieux de vie est le retard des paiements effectués par les D.D.A.S.S. qui oblige certains lieux d'accueil à fermer faute de disposer d'une trésorerie suffisante.
Les lieux de vie doivent en outre pouvoir disposer d'un statut "à géométrie variable"../../../../../home/sebmi/2009/site_free/accueil/ qui leur permette de recevoir des enfants de l'A.S.E., au titre de l'éducation spéciale, de la pédopsychiatrie ou de jeunes adultes (inadaptés sociaux, handicapés ou malades mentaux) ou de ne recevoir qu'une ou certaines de ces catégories d'usagers.
Une convention passée entre le lieu d'accueil et les organismes payeurs pourrait prévoir les catégories de personnes accueillies, les objectifs et les moyens mis en œuvre, les financements possibles, les modalités d'évaluation. Cette convention ferait référence aux différentes réglementations sur lesquelles elles se fondent : aide sociale à l'enfance, éducation spéciale, pédopsychiatrie, etc. ...
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B - Obstacles et propositions
1 - présentation et définition
Les lieux de vie constituent un exemple de lieux d'accueil qui va à l'encontre d'un courant qui, jusque là, a conduit à professionnaliser et institutionnaliser les relations entre l'accueillant et l'accueilli.
Les lieux de vie correspondent à un besoin puisqu'ils reçoivent des enfants et des jeunes rejetés par les structures d'accueil et de traitement classiques ou qui fuguent de celles-ci.
Ils constituent un pôle d'incitation à l'évolution pour les institutions classiques.
Il est difficile d'isoler le problème des enfants de l'aide sociale à l'enfance des autres enfants accueillis; les enfants de l'A.S.E. cumulent d'ailleurs souvent des handicaps multiples (mentaux, physiques, culturels) qui touchent aux autres formes de prise en charge (handicapés, psychiatrie).
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2 - les problèmes à résoudre
- Polyvalence : possibilité d'accueil d'une clientèle variée en un même lieu : mineurs, majeurs, handicapés, inadaptés sociaux, malades mentaux.
- Cadre légal.
- Statut des permanents : salariés, non salariés, statut fiscal, couverture sociale.
- Financement.
- Evaluation, suivi et contrôle.
- Eviter que les lieux de vie ne répètent les inconvénients des agences de placement, notamment la "déportation" des enfants.
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3 - la législation actuelle, ce qu'elle permet et ses manques
1 - la loi de 1977 portant statut des assistantes maternelles
- ce qu'elle permet
assure le statut fiscal et la couverture sociale, permet d'établir un prix de pension convenable en majorant le salaire minimum obligatoire (2 H de SMIC par jour), l'indemnité pour handicap et l'indemnité d'entretien.
permet d'accueillir les mineurs de l'aide sociale à l'enfance et les autres catégories sous réserve d'une adaptation aux réglementations correspondantes (handicapés, malades mentaux, adultes inadaptés sociaux).
Prévoit une procédure d'agrément. L'accueillant est désigné nominativement et un contrat de placement pour chaque mineur accueilli définit les obligations réciproques de l'accueillant et de l'administration.
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Inconvénients du statuts d'assistante maternelle :
Appellation contestée par certains lieux de vie.
Le paiement à terme entraîne des difficultés de trésorerie : nécessité d'un fond de roulement ou d'un paiement anticipé.
La procédure d'agrément demande à être aménagée, trop lourde pour certains, trop légère pour d'autres.
Le suivi classique est insuffisant surtout si les mineurs accueillis sont handicapés ou malades mentaux.
Les adultes inadaptés sociaux (mères célibataires en difficulté, adultes isolés) peuvent être accueillis mais le problème du financement n'est pas rattachable à une législation en vigueur, bien que cela se pratique. Une étude complémentaire serait nécessaire avec les bureaux chargés des handicapés et des centres d'hébergement et de l'aide sociale aux adultes.
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2 - articles 95 et suivants du code de la famille et de l'aide sociale.
Toute personne physique ou toute personne morale privée qui désire héberger ou recevoir de manière habituelle, collectivement, à titre gratuit ou onéreux, des mineurs doit préalablement en faire la déclaration à l'autorité administrative.
Le lieu d'accueil peut établir un prix de pension, éventuellement dans le cadre d'une convention avec l'A.S.E. Le financement est imputé sur l'article 6436-9 du budget de l'A.S.E.
La convention n'est pas obligatoire mais elle aurait le mérite de préciser les modalités d'évaluation de financement des procédures d'admission et de suivi.
Les personnels peuvent avoir au regard du fisc et de la couverture sociale le statut d'assistante maternelle "de disponibilité"../../../../../home/sebmi/2009/site_free/accueil/, être salariées d'une association, au pair, sans référence à un statut particulier ou à une convention collective, ou avec référence à une convention collective. Ils peuvent également être artisans, agriculteurs ou salariés au titre d'une autre activité.
Certains personnels ne souhaitant pas être salariés. (voir 3 - 4).
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3 - les personnels peuvent être salariés d'une collectivité publique, éducateurs, par exemple.
4 - personnes dignes de confiance : les articles 375 et suivants du code civil, ne permettent que les placements d'enfants décidés par le juge pour enfants.
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4 - propositions
Une circulaire serait opportune, pour rappeler aux D.D.A.S.S. l'intérêt de ces formules, les possibilités qu'offre la réglementation actuelle de leur donner un statut au cas par cas et un cadre juridique minimal.
Il conviendrait de diffuser aux D.D.A.S.S. des fiches techniques descriptives des lieux de vie ayant mis sur pied un statut et un mode de fonctionnement satisfaisants.
Les centres d'informations sur les innovations sociales devrait apporter un concours pour l'élaboration et la diffusion de ce matériel. A plus long terme, cette question ne peut être traitée de façon isolée puisque des problèmes similaires se posent dans la demande de l'accueil des handicapés, des malades et des inadaptés sociaux.
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